Ilot-Théâtre, le roman

L’arrivée sur l’île…

C’est au cours d’une tournée dans l’ouest de la France que les fondateurs de la compagnie ont découvert l’île de Ré. Une idée a tout de suite germé dans leur tête : y monter un spectacle de plein-air pour l’été. Aussitôt, ils plièrent bagages pour proposer au S.I.V.O.M de l’île de Ré de créer La nuit des Rois de W. Shakespeare.

La pièce vit le jour en juillet 1993 grâce aux soutiens financiers du S.I.V.O.M de l’île de Ré et la D.R.A.C Poitou-Charentes dans le cadre de l’opération Les Arts au Soleil.

Elle fut jouée sur le port de Loix-en-Ré grâce à l’accueil chaleureux d’une équipe de bénévoles devant près de 800 spectateurs.

Devant l’enthousiasme suscité par cet événement, ils décidèrent de rester sur ce territoire, pensant qu’il y aurait encore beaucoup d’autres projets à inventer.

Ainsi naquit Ilot-Théâtre.

« La Maline » accueille Ilot-Théâtre

Un concours de circonstance vint encore favoriser l’implantation de la compagnie. Il s’avèra qu’une salle de spectacle nommée « La Maline » allait être construite à La Couarde-sur-Mer et qu’une Association de Développement Culturel allait être créée sur l’île de Ré. P. Soler, futur directeur, vint voir les deux premiers spectacles de la compagnie (La danse de Mort d’A. Strindberg et La nuit des Rois de W. Shakespeare) et décida de lui apporter son aide. C’est ainsi qu’il programma La nuit des Rois de W. Shakespeare dès l’ouverture de La Maline en juillet 1994, qu’il mit à disposition ses locaux pour la mise en place d’un théâtre d’été permanent, « La Maline II » à La Couarde-sur-Mer en 1994 où furent joués en alternance Des rillettes chez les Boulingrin d’après G. Courteline et Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée de A. de Musset ; en 1995, il fut le premier à produire Angelo, tyran de Padoue de V. Hugo (ensuite vinrent les aides à la création de la D.R.A.C Poitou-Charentes et du Conseil Général de la Charente-Maritime), installant toute l’équipe artistique à La Maline pendant toute la durée des répétitions.

Les collaborations se multiplient

Ce soutien contribua à développer de nouveaux partenariats avec d’autres structures. P. Collet et D. Vlanek, directeurs du Théâtre de l’Utopie accueillirent la compagnie dans leur théâtre à La Rochelle de 1995 à 1997. La compagnie y créa Le Paradoxe sur le comédien de D. Diderot en partenariat avec la compagnie Avis de Tempête dirigée par J-J Faure ; puis P. Collet et D. Vlanek produirent Amphytrion d’H. Von Kleist (en plus de l’aide à la création de la D.R.A.C Poitou-Charentes et du Conseil Général de la Charente-Maritime). Stuart Seide, alors directeur du Centre Dramatique Poitou-Charentes s’engagea également dans ce projet en apportant une aide matérielle non négligeable. Enfin, la compagnie répéta au Théâtre de l’Utopie Une tempête de A. Césaire. Créée en résidence d’artiste au Théâtre Municipal de Royan, la pièce fut jouée à La Maline et programmée par J. Marchand, directeur de La Coursive, scène nationale de La Rochelle au printemps 1998, dans le cadre de la manifestation Théâtre et Compagnies.

1998 : création de La Fabrique du Vélodrome

Fin 1998, la compagnie allait se lancer dans une nouvelle aventure : la création d’un lieu alternatif, La Fabrique du Vélodrome, avec deux autres compagnies Haute Tension et Théâtre Amazone, dirigées respectivement par M. Fontanille et L. Andréini. Les trois compagnies fondèrent la fédération Quai n°3 dont la vocation était de diriger et d’animer un espace de répétition et de création et d’avoir la possibilité d’explorer de nouvelles formes, moins conventionnelles, en dehors du temps des programmations des théâtres.

La Fabrique du Vélodrome, ancien atelier de mécanique générale était l’endroit rêvé. Tandis que chaque compagnie y présentait ses projets, des actions communes virent le jour : Nosferatu, prince de la nuit d’après le roman Dracula de B. Stoker en 1998, Les nuits du crime en 1999, créations collectives visuelles et déambulatoires de la fédération Quai n°3 connurent un tel succès qu’elles furent jouées à guichets fermés pendant toutes les vacances de fin d’année. Pour Ilot-Théâtre, ce furent trois années riches en rencontres et en expérimentations : beaucoup d’artistes comme J. Fréminet, G. Henno, J-F Rousseau, S. Tardon, F. Delime, A. et M. Lemaître, F. Laforge, A. Vergnes rejoignirent la compagnie à cette période là. Avec eux, la compagnie choisit de monter en 2000 une pièce dont la Fabrique du Vélodrome fut le décor idéal : « Roberto Zucco » de B-M Koltès. L’année suivante, une version plus adaptée aux salles de spectacle à l’italienne fut donnée. La pièce fut créée et diffusée grâce aux aides financières du Centre Dramatique Poitou-Charentes, dirigé par C. Lasne et L. D’Arcueil, du Gallia Théâtre de Saintes, dirigé par M. Roudier, et de l’aide à la création du Conseil Général de la Charente-Maritime ainsi que du fonds d’aide à la diffusion régionale. Elle s’exporta avec succès à Cap Sud à Poitiers, à La Maline et au Relais de la Côte de Beauté à Saint-Georges-de-Didonne. Cette expérience influença fortement le travail artistique. Depuis 1998, la compagnie s’engage à monter des textes d’auteurs contemporains et s’oriente vers des formes théâtrales nouvelles. En 1999, elle commence une recherche à partir d’un roman anonyme du 12ème siècle, Histoire d’Aladin : adaptation, mise en voix et musique à la frontière du théâtre et du conte, ce spectacle atypique ne cesse d’être joué devant petits et grands.

J.J Vergnaud, une autre rencontre

Alors que la fédération Quai n°3 venait d’être dissoute fin 2001, une nouvelle rencontre allait ouvrir de nouveaux horizons à la compagnie : J-J Vergnaud, peintre et auteur résidant sur l’île de Ré, fit appel à L. Huselstein et S. Irlinger pour monter sa dernière pièce Dreyfus et le cul-de-jatte Bernard. Produite par des partenaires privés (mécénat) et la Communauté de Communes de l’île de Ré, la pièce fut créée en résidence à La Maline en 2002. Elle remporta immédiatement un succès considérable auprès du public. Ce succès encouragea la compagnie à participer une première fois au Festival d’Avignon où la pièce connut une bonne fréquentation et une couverture médiatique enthousiaste. Depuis, elle ne cesse d’être jouée en région, hors-région et à l’étranger en Autriche au théâtre de Gratz. Dans le même temps, après dix ans d’existence, la compagnie signait une convention d’objectifs de trois ans avec la région Poitou-Charentes qui a été renouvelée en 2005, 2008 et 2010.

Interrogations sur la condition de l’artiste

« Mais la vie de comédiens ne compte pas seulement des roses et des lauriers »
(loc. cit La vie de Monsieur de Molière de M. Boulgakov)

2003 fut une année de découragement et de consternation pour de nombreux artistes. La crise de l’intermittence a amené la compagnie à s’interroger sur la condition, le rôle de l’artiste dans la société actuelle et sa relation avec le pouvoir au travers du magnifique roman de Mikhaïl Boulgakov, La vie de Monsieur de Molière, créée à CREA à Saint-Georges-de-Didonne. Le spectacle a été joué à guichets fermés au Festival d’Avignon 2005 et 2006 et a obtenu des critiques de presse élogieuses. Avignon a ouvert de nouvelles opportunités de tournées au niveau national à la compagnie.

Retour à Bernard-Marie KOLTÈS

En 2008, la compagnie fait le choix de monter un autre texte de B-M Koltès : Combat de nègre et de chiens. Cet auteur majeur du XXe siècle n’a cessé d’interroger la place de l’humain dans une société dominée par l’argent, le sexe et la violence. Cette question fondamentale resurgit de façon récurrente dans le travail artistique de la compagnie. Avec Joël Fréminet, Grégory Henno, Laure Huselstein, Serge Irlinger, Jean-François Rousseau et Sébastien Tardon, ses collaborateurs depuis plus de 10 ans, Ilot-Théâtre a présenté le spectacle au Festival d’Avignon 2008 où il a reçu un excellent accueil. Puis, à partir d’octobre 2008 une tournée en Poitou-Charentes s’est mise en place. Elle s’est poursuivie en 2010. Combat de nègre et de chiens a pu voir le jour grâce à l’aide à la production du Ministère de la Culture/DRAC Poitou-Charentes ; à l’aide à la production/diffusion initiée par la Région Poitou-Charentes. Plusieurs scènes régionales se sont réunies autour de l’ARDC/La Maline pour cette tournée.

Vauban et l’U.N.E.S.C.O

Depuis 2005, Ilot-Théâtre est maître d’oeuvre de spectacles créés dans le cadre de l’inscription des fortifications de Saint-Martin-de-Ré au patrimoine mondial de l’humanité (U.N.E.S.C.O). Après un somptueux cabaret baroque, les Amis des Fortifications de Saint-Martin-de-Ré ont demandé à la compagnie de mettre en scène quatre pièces écrites par Yvonne Berriau et Laure Huselstein. On y découvre à la fois le personnage et les idées de Sébastien Lepreste de Vauban, le célèbre ingénieur de Louis XIV. L’Etoile de Vauban, association présidée par l’acteur Charles Berling, le Conseil Général de la Charente-Maritime, le Pays de Ré et la ville de Saint-Martin-de-Ré ont contribué financièrement à la réussite de ces projets qui ont rassemblé plus de deux mille spectateurs. Ce type de projet est l’occasion pour la compagnie, à travers la valorisation du patrimoine,  de répondre à des demandes de collectivités ou d’associations en mettant à disposition ses compétences.

Le théâtre dans la rue

En 2009, naît une nouvelle opportunité pour la compagnie. À l’initiative de Catherine Swagemakers, le festival de théâtre Passe-Portes voit le jour aux Portes-en-Ré, présidé par Bernard-Faivre d’Arcier. Il réunit des artistes venus de toute la France. Le Festival demande à la compagnie Ilot-théâtre de créer un spectacle d’ouverture. Ce sera Les Passeurs de portes, spectacle de théâtre de rue joué sur la place centrale devant plus de 400 spectateurs. Depuis, il a été programmé dans le cadre du Temps des Arts de la Rue, initié par la Région Poitou-Charentes, dans le cadre de la Journée Internationale des Arts de la Rue, Rue libre et au Festival International de Théâtre de Rue d’Aurillac en 2010. Une tournée nationale est prévue à partir de l’été 2010.

Comment être bon dans un monde méchant ?

En août 2008, S. Irlinger passe quelques jours à Berlin. Il visite la maison de B. Brecht, tout près du cimetière où il repose et aussi le Berliner Ensemble. Sa rencontre avec l’acteur Werner Riemann qui a travaillé sous la direction de B. Brecht fut un moment très émouvant. Durant quatre heures, le vieil homme raconta la vie de cette troupe avec une énergie, un engagement et un humour remarquables. De retour en France, S. Irlinger se dit que cette rencontre avec B. Brecht aura une suite… Et puis, il découvre Jean la chance, une pièce inédite retrouvée au milieu des années 1990 dans les archives du Berliner. Inspirée d’un conte des frères Grimm, Hans im Glück, elle donne à voir un bienheureux ou un idiot selon le regard que l’on porte sur lui. Brecht y pose la question : «comment peut-on être bon dans un monde méchant ?». La pièce suscite beaucoup d’enthousiasme auprès des artistes sollicités et des théâtres partenaires. Alors, en avant la musique, comédiens, musiciens, dramaturge, scénographe, chorégraphe, costumières, créateur lumière, une dizaine d’artistes se sont retrouvés en résidence à La Passerelle à Merschers-sur-Gironde et à l’Espace Tartalin à Aiffres. Ils ont travaillé avec un petit coin de Berliner dans la tête, c’est-à-dire avec le sentiment d’un théâtre vivant et joyeux. Ce projet d’envergure, coproduit par CREA/Saint-Georges-de-Didonne, a vu le jour en janvier 2011. Il a bénéficié du soutien du Ministère de la Culture/DRAC Poitou-Charentes, de la Région Poitou-Charentes, du Conseil Général de la Charente-Maritime, de l’ADAMI et de la SPEDIDAM. Le spectacle sera joué au Festival d’Avignon 2011.